Dans une calme petite maison, au milieu de la forêt, vivait une petite famille composée de trois femmes. Une vieille et deux jeunes filles, deux sœurs. Le père n’était plus là depuis longtemps, si bien que l’on pouvait se demander s’il avait bien était là un jour, par le passé. Enfin, le rêve est toujours le même. Les deux jeunes filles, l’une brune et vêtue d’une robe rouge et l’autre blonde et vêtue de blanc, marchent côte à côte dans la forêt. Une forêt rassurante, claire et où l’on entend les oiseaux chanter et l’eau de la rivière couler. On jurerait un lieu de conte de fée. Les deux jeunes filles bavardent gaiment, riant à gorges déployées au milieu de cette calme nature, chacune tenant un seau de bois dans les mains.

Puis un cri retenti au milieu des arbres qui les entourent. Déchirant et implorant, il parvient jusqu’aux oreilles des deux filles qui se retournent l’une vers l’autre, se regardent en hochant la tête et, lâchant leurs seaux, se mettent à courir dans la direction du cri, main dans la main. Finalement, elles débouchent sur un bosquet au milieu du quel, éclairé par le soleil, hurle un nain. Le pauvre semble à l’agonie. En effet, le malheureux à la barbe coincée dans un arbre ! Avant de se demander pourquoi et comment le petit homme s’est retrouvé dans cette position, les filles accourent vers lui et la brune, sortant de la poche de son tablier une paire de ciseau couleur argent, s’approche du nain.

Le malheureux hurle à plein poumons, surement effrayé par le ciseau  qui s’approche dangereusement de lui. Appuyée sur le dos de sa sœur, la jeune fille blonde essaie de rassurer le nain avec des paroles réconfortantes mais rien n’y fait. Une fois la besogne accomplie, la barbe coupée et le nain libéré, les deux filles lui adressent un sourire, s’apprêtant à s’enquérir de sa santé. Mais le bonhomme fulmine de colère.

- Ma barbe ! Ma si belle barbe blanche ! Saligotes ! Vous m’en avez privé d’au moins dix bons centimètres…

- Milles excuses, monsieur. Mais…

- Il n’y a pas de ‘mais’ ! Vous êtes deux parfaites idiotes. Non mais je vous jure !

Sur ces mots, le nain fait demi-tour et s’éloigne du bosquet en bougonnant dans ce qui lui reste de barbe. Interloquée, la jeune fille à la robe rouge le regarde partir puis détourne les yeux sur sa sœur. C’est alors que derrière celle-ci, elle croit apercevoir une forme massive et brune… Un… Un ours. Non. Pas un ours. L’Ours.

Une petite fille espiègle, vive et souriante court partout dans sa maison, passant entre les jambes de ses parents qui, en riant, essayent de rattraper leur enfant de quatre ans. Nous passerons sous silence les trois premières années de la vie de Rose qui sont, somme toute, des années assez semblables à celles que mènent les autres petites filles de son âge. Aimée, entourée et choyée c’est une fille unique mais pas capricieuse pour deux sous. Juste un peu malicieuse et qui, parfois, sait très bien ruser pour obtenir ce qu’elle désire. Née à Londres, elle a grandi dans une petite maison coquette de la banlieue londonienne. Très vite, chez elle, un goût prononcé pour la musique, le dessin et la lecture est apparu, calmant un peu le caractère fougueux, pour ainsi dire, de Rose. Bref, tout va bien pour notre petite héroïne… Jusqu’à ce que…


L’année de ses treize ans la vie bascule. Pour toujours. Alors qu’elle passe la soirée chez une amie de classe, la mère de cette dernière reçoit un appel. C’est l’hôpital. Les parents de la petite Rose ont eu un terrible accident de voiture. Ils sont morts. Tous les deux. Sur le coup. Lorsque Rose l’apprend, elle est bien-sûr effondrée. La voilà toute seule dans le monde, à treize ans. Toute seule car ses parents sont sa seule famille. Les grands-parents ont disparus de la circulation depuis des années et ses parents étaient tous deux enfants uniques, comme elle. Personne pour la recueillir et une épreuve supplémentaire qui l’attend : le tribunal décide de l’envoyer dans un orphelinat, à Londres.  Elle y restera un an, à peine le temps pour elle de se remettre de la terrible perte de ses parents. Durant cette période, son caractère d’adulte s’est réellement formé. Son refus d’une quelconque autorité sur elle, sa difficulté à s’attacher aux gens ou plus particulièrement à montrer cet attachement ou bien son éternel ‘je vais bien, merci’ avec le sourire aux lèvres… On lute comme on peut contre les aléas de la vie…

Un an presque jour pour jour après son entrée à l’orphelinat, une nouvelle vague arrive dans la vie de Rose. Une vague de bon augure, cette fois.

« Flash-Back »

Assise sur son lit, une poupée de chiffon entre les mains, Rose se sent seule. Elle n’a pas réussi, en un an, à se lier avec les enfants de l’orphelinat. Elle parle à tout le monde, son côté jovial et altruiste aidant, mais au fond d’elle, elle sait bien que ces enfants ne sont que des connaissances et en aucun cas des amis. Alors qu’elle est seule dans le dortoir, la jeune fille laisse tomber son sourire et une larme est prête à s’échapper d’entre ses cils lorsque la porte s’ouvre brusquement. Ravalant sa tristesse, Rose se lève de son lit et se dresse, le sourire revenu, face à la directrice de l’établissement. Celle-ci caresse d’une main les cheveux bruns de la jeune fille et lui sourit.

- Ma petite, mets tes habits du dimanche et commence à préparer tes valises. Un membre de ta famille est là.

- Ce n’est pas possible, je n’ai pas de famille.

La directrice prend les poignets de Rose entre ses doigts.

- Ecoute-moi… Ton papa, en fait, avait un frère inconnu. Il a été retrouvé et il est là. C’est ta seule famille connue, il faut que tu vives avec lui, tu comprends ?

- …

Sans un mot, Rose s’habille et prépare sa valise puis descend voir cet ‘oncle’, nouvelle donne dans sa vie familiale.

« Fin Flash-Back »

Cet oncle revenait tout juste d’Amérique. Lui, il savait qu’il avait un frère. Un demi-frère pour être exact. Quand, en essayant de prendre de ses nouvelles après une vie d’absence, il apprit que son frère et sa femme étaient morts en laissant leur fille orpheline, il fit tout son possible pour récupérer la jeune adolescente. Au début souriante mais sauvage, la petite Rose c’était peu à peu accoutumée à son oncle et voyait en lui sa nouvelle famille, sa nouvelle vie. Au bout de deux ans, pour les seize ans de la jeune fille, l’oncle fut rappelé en Amérique où il l’amena avec lui, bien évidement. Après ses années d’études et ses diplômes en poche, Rose quitta la maison de son oncle pour voyager un peu à travers l’Amérique. C’est ainsi qu’elle découvrit la ville de Oak Harbor. Bizarrement, elle s’y senti directement… Comme chez elle. Elle décida donc d’y rester quelques temps, d’y trouver un travail pourquoi pas en bibliothèque…

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