« Il se traîne, mais on l'aime, il traîne les cœurs après lui... Il se traîne, mais quand même, on le suivrai jusqu'au bout de la vie... On le traque, il s'échappe. C'est un rôdeur, un tocard. Mais je craque pour ce zouave, même s'il se traîne un air de chien bâtard... On ne sait jamais quand on le voit vers quelle galère il se trimballe. Il vous emmène et on y va, il vous prend dans sa cavale ! Mauvaise graine, c'est un rôdeur. Au moindre bruit, il s'enfuit. Mais il me traîne par un bout de cœur... Et je le suivrai au bout de la vie, oui, je le suivrai au bout de la vie, je le suivrai au bout de la vie..!  » Ça chante dans ma tête, cette mélodie, depuis que je suis tout gamin. Dans ma tête, presque chaque nuit, j'entend cette musique jusqu'a basculer dans le sommeil. Elle ne revient pas dans mes rêves, seulement avec de dormir, cependant dans mon sommeil je vois parfois bien des choses. Un chien au poil gris, ébouriffé de partout, remuant gaiement la queue en passant devant les vitrines de divers magasins. Il est seul, trottine, hume l'air, puis s'arrête devant une nouvelle vitrine, regardant avec envies les différentes friandises ou pâtisseries proposées. J'ignore tout de ces sons, ou images qui me hantent. Je ne sais même pas si elles sont réelles ou simplement issues de mon imagination. Le chien ne ressemble en rien à Impact, le mien, et je n'ai pas souvenir d'en avoir croisé un qui lui ressemblait assez pour m'avoir autant marqué. Je suppose que cela doit venir de ma petite enfance, celle dont je suis incapable de me souvenir nettement... Et c'est sans doute mieux ainsi.

Mon enfance fut plus basée en vérité sur la douleur morale que physique. Je n'ai jamais été frappé. Mes parents n'ont jamais levé une seule fois la main sur moi, du moins je n'en ai pas souvenir. Mais les faits sont là, et malgré toutes mes espérances, cette sensation d'avoir un poids sur le cœur n'a jamais vraiment disparue. Je suis le deuxième enfant de la famille Puckerman, qui m'attendait bizarrement avec peu d'impatience. D'abord, contrairement à mon "fabuleux" grand frère, je n'étais pas un enfant désiré. Maman s'était retrouvée enceinte après un oublie de pilule. Après un long moment de réflexion ils avaient décidés de garder l'enfant, se disant simplement qu'il tiendrait compagnie a leur tout premier enfant : le parfait Josh, le chouchou, le petit ange. Il suffisait de voir sa chambre de gamin pourri gâté, pour comprendre qu'un deuxième enfant serait forcément mis à l'écart. Je vins donc au monde un jour d'Août, et devint rappidement le vilain petit canard de la famille. Manquant totalement d'attention, éternellement poussé à prendre exemple sur mon grand frère, je compris vite que rien n'importait vraiment. Les bonnes notes ? A quoi bon, maman ne m'adressait qu'une petite moue lorsque j'en ramenais des mauvaises, et hochais la tête en voyant les bonnes. Bien se tenir ? Les vieux ne m’emmenaient quasiment jamais avec eux chez leurs amis. La vérité c'est que quoi que je puisse faire, je n'étais jamais aussi parfait que mon frère : quoique je fasse, quoique je dise, il faisait toujours dix fois mieux. C'est ainsi que rapidement, je tombais dans un comportement arrogant et moqueur, m'enfermant dans une carapace, là où je savais que je ne décevrais jamais personne, à part moi même. Alors que mon frère allait bientôt rencontrer la femme de sa vie, moi je suivais mon éternel caractère. Ma devise ? Drague, sexe, plaisir. Pourquoi la vie ne pourrait-elle pas être aussi simple ? Ainsi, pour appliquer ma devise en toute liberté, pour quitter ce foyer merdique où personne ne faisait attention à moi, je partis m'installer à New York pendant un petit moment, alors que j'avais à peine dix-huit ans.


Mais voilà que presque dix ans plus tard, je revenais à Oak Harbor le cœur lourd. Je ne m'entendais pas avec mon frère certes, mais au fond, une partie de moi l'avait toujours aimé. C'était sans doute le seul qui pendant mon enfance avait eu un peu de considération pour moi, et un sourire à m'adresser. Lorsque j'avais appris sa mort, un millier de sourires m'avaient alors sautés à la gorge, et j'avais lâché le combiné du téléphone, sous le choc. Mon frère était mort. J'avais presque été surpris que papa ai pensé à m'appeler pour me prévenir. J'avais donc quitté pendant quelques temps mon appartement New-yorkais,  pour retourner dans ma ville natale, dans ce petit cimetière glauque que j'aurai préféré ne jamais revoir. Là alors je rencontrais la fameuse fiancée (enfin plutôt ex) de mon frère, que je ne tardais pas à détester. Ayant tant de peines sur le cœur, je ne me gênais pas pour troubler la cérémonie d'enterrement. Au départ, je demeurais silencieux, puis vint à la fin droit vers elle, la traiter d'incompétente. Cette garce était médecin... Médecin ! Et elle n'avait même pas été capable de le garder en vie... Lui, avec qui j'aurai dû passer beaucoup plus de temps. Je regrettais tant de choses maintenant. Seul me restait ma rancœur, que je décidais de rejeter sur la pauvre "veuve" de mon frère.

Je n'avais qu'une seule envie, lui faire payer. Au fond, je sais bien qu'elle n'y est pas pour grand chose, mais c'était le seul moyen que j'avais trouvé pour libérer toute ma haine. Ma haine envers mes parents, envers mes exs, envers mon frère pour ne jamais m'avoir prévenu de ses soucis de santé, envers tout le monde. J'avais l'impression d'être le connard de frère qui n'a jamais été là pour lui. Je voulais remplir ce rôle jusqu'au bout. Je voulais faire vivre un enfer à cette nana... Et pourtant. Elle était très mignonne... Il fallait l'avouer... Célie, elle s'appelle... Célie... Elle m'attire, je ne peux m'empêcher d'y penser. Dans ce cas, alors elle tombera sous mon charme. Rien ne fait plus souffrir les femmes que les hommes, non ? Et justement, pour faire souffrir, je suis très fort.

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