TAKING A BREAK FROM ALL YOUR WORRIES

TIMOTHY & REGAN

Les accidents, cela arrivait toujours. Il suffisait d’être au mauvais endroit, au mauvais moment – c’était réellement si simple que ça. Regan le savait, elle l’avait étudier, ne vivait que pour ces moments-ci et leur conséquences qui ramenaient un gros chèque dans son compte en banque – et puis, aussi ridiculement que cela, en un pitoyable claquement de doigt, vous vous retrouvez à vous lancer vers le revolver de votre agresseur, et le journal local affirmait que vous étiez un héro – une héroine – pour avoir tenter cet acte d’autodéfense. Ce n’était pas de l’autodéfense. C’était un acte pathétique motivé par un désespoir profond et une panique extrême vous coupant entièrement de tout sens du réel – Sauf qu’au lien de vous paralyser sur place comme bien des mondes, elle vous faisait faire des choses faussement héroïque mais surtout profondément irréfléchies. Regan le savait. Elle connaissait cette histoire. Elle avait étudier cette histoire, travaillait parce que cette histoire se répétait, et était payée pour prendre un regard dur et froid envers celui à qui avait appartenu le revolver – ou le couteau, ou autre arme quelconque – et affirmer que cet acte pathétique, pitoyable et motivé par la panique était de la légitime défense, de l’héroïsme face au danger indéniable qu’avait représenter l’homme au revolver dans une allée sombre. On ne pouvait pas dire que son client était profondément stupide, si on souhaitait gagner un procès. C’était l’une des seules choses que Regan Hart avait apprit de son géniteur.

Soupirant profondément, Regan referma le dossier en face d’elle et le glissa dans son sac. Elle le connaissait déjà en long, en large et en travers – Femme est seule dehors, homme s’approche avec un flingue, homme menace femme, femme panique et se lance vers l’objet braqué sur elle, femme est touchée à l’épaule, femme est trouvée dans un piteux état par les autorités et manque de cohérence sur ce qui s’est déroulé entre temps, homme est finalement appréhendé alors qu’il s’apprêtait à passer sur le ferry. L’avantage de vivre sur une petite île, c’était que tout criminel était facilement retrouvable. Non. Oubliez-ça. L’avantage, c’était d’être la seule avocate disponible, lui permettant bien du travail en plus de celui de procureur. Attrapant les clés de sa nouvelle voiture rouge vif, Regan sortit de son bureau et conduisit son véhicule de Heller Road jusqu’à Regatta Drive, à l’hôpital où se trouvait la-dite femme. Ses talons résonnèrent contre le sol lisse, propre mais écoeurant du lieu. L’hôpital. Regan détestait les hôpitaux. Ils avaient toujours quelque chose qui la prenait à la gorge, la mettait sur ses gardes. Même le plus chaleureux des établissements paraîtrait malsain à ses yeux. Et, quand bien même elle y avait passé elle-même quelque temps – oublions ce qui était arrivé à son ancienne voiture, et surtout au pare-brise de cette dernière -, cela ne changeait rien de son opinion des lieux. Pire. Maintenant, ici, on la connaissait. La brune se sentit presque grincer des dents à l’idée. Au moins, cela pourrait être vaguement utile pour sa tâche actuelle.    

« Je recherche Roxane Kelly. Je suis son avocate, alors j’apprécierais qu’on me conduise rapidement à la chambre qu’elle occupe. » Pas de bonjour, pas de merci, pas de s’il vous plait. Ce n’était pas sa chambre, c’était la chambre, dit d’un ton cassant de manière à éviter toute interaction non nécessaire. Regan savait être la personne la plus drôle et vive du monde, pour peu que l’on sache suffisamment flatter son égo et la mettre en confiance, mais elle était loin d’avoir le contrôle sur tout cela à présent. Alors, elle était loin d’être aimable. Sa langue claqua contre son palet pour faire comprendre que tout n’allait pas assez vite à son goût.

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TIMOTHY & REGAN

D’abord, il y a la gamine – morveuse à souhait, Regan en est certaine -, forcée dans les pattes de la secrétaire supposée renseigner l’avocate. Et le problème, c’est que Regan n’a jamais vraiment été le genre de personne qui aime les enfants, à moins qu’ils ne puissent lui être d’une quelconque utilité dans une affaire criminelle, et il n’y a presque rien de pire que de souhaiter cela à un enfant quel qu’il soit. Heureusement pour elle, cela signifie que ses inexistantes amies ne l’ont jamais invité à de quelconques baby shower ou autre évènements du genre où il était la norme de prétendre l’extase face à un être plein de mucus et dont la capacité à soutenir une conversation cultivée était relativement limitée. A la rigueur, le seul côté positif que la brune leur voyait était leur monde fantasque, où ils vivaient des aventures improbables et la laissaient en paix jusqu’à ce qu’ils puissent sincèrement avoir une conversation avec elle sans se montrer affreusement horripilant. Donc, voir qu’un tel être sapait l’attention de la femme n’était pas forcément un concept bienvenu dans la journée de Regan Hart. Son regard se durcit visiblement, n’ayant clairement que faire de l’idée que cela puisse déstabiliser la petite fille. Regan était là avant, d’abord, elle avait donc en toute logique la priorité, et était prête à parier que son affaire était plus importante qu’une maman perdue. Elle allait ouvrir la bouche pour en faire sortir une remarque acerbe lorsque deux choses retinrent son attention. La première, le nom de Roxane Kelly avait été mentionné – associer à la notion de muffins. Et l’idée de muffins, cela donnait faim sans même en étant rassasié, et Regan abhorrait ce rappel éternel d’un temps où manger quand elle le souhaitait était encore une partie importante de sa vie et où, durant un temps, cela avait été la seule chose lui procurant un peu de répits. D’hors et déjà, Roxane baissait dans son estime. Ce n’était peut-être pas plus mal, en soit. Mieux valait que ce soit elle qui fasse sa méchante en première et tire tout ce qu’elle pouvait d’elle plutôt que de laisser ce plaisir à la défense. La seconde chose faisant tilt dans l’esprit de la brune, ce fût la voix de la personne à qui elle n’avait pas accordé plus qu’un vague regard en coin – la personne ayant amené la gamine. A croire qu’il était incapable de rechercher une mère perdue de lui-même et se devait donc d’empiéter sur les autres. Elle connaissait cette voix, cette intonation d’une joyeuseté qui irritait ses nerfs.

Empiéter prit subitement un sens très littéral. Extirpant rapidement sa chaussure de sous le pied offensant, la blonde jeta un regard noir à celui qui était à présent son interlocuteur et ouvrit sa bouche pour hurler et exiger des excuses, son regard se durcissant encore plus, remplit d’outrage et de venin. Et puis, avant même qu’elle ne puisse hurler, le jeune homme étendit ses bras comme s’ils étaient de vieux amis perdus de vue qui venaient de se retrouver. La bouche de Regan se referma, tout ennuis et outrage ne s’effaçant pas des traits de son visage – et s’accentuant encore plus à l’idée qu’elle venait de se rendre ridicule. Et puis, un silence pesant, et un simple mot.

« Non. » Lâcha-t-elle durement, les signes de sa propre rage interne visibles derrière le masque froid. Cependant, ce n’était pas une réponse à la question futile que Timothy venait de poser, mais plus un commentaire sur son attitude. Non. Juste non. Les démonstrations d’affection entre inconnus étaient probablement des choses que Regan tolérait encore moins que les enfants. Elle aurait voulu l’envoyer valser, lui dire de prendre sa gosse – peu importait que ce ne soit pas réellement la sienne – et ses manières de brute débilement heureuse et d’aller l’utiliser pour autre chose que de lui faire perdre son temps. Seulement, voilà, il avait prononcé le nom de sa cliente. Ils se recroiseraient donc forcément. Mieux valait donc ainsi l’utiliser avant de tenter de se défaire de sa présence. « Mais puisque vous et vos manières qui semblent laisser à désirer aujourd’hui êtes là, autant que vous vous rendiez utile après vous êtres excusé. Je dois moi-même me diriger vers la chambre de Mademoiselle Kelly. » Elle ne daigna pas préciser pourquoi, jugeant que cela allait de soit.

« Je suis aussi prête à parier être la seule Regan que vous connaissez. Être votre préférée n’est donc pas un compliment, ni un très bon surnom. » Le commentaire n’était en soit pas nécessaire, mais avait brûlé les lèvres rouges de la brune, sortant de lui-même. Ce n’était pas spécialement qu’elle cherchait un quelconque compliment – et surtout, surtout, faites que Timothy ne prenne pas cela comme une invitation à lui donner un surnom idiot -, mais une simple manie, un simple besoin de corriger les gens, de se sentir supérieure ne serait-ce que de manière purement superficielle. Cela dit, faire cette remarque eut au moins le mérite de finir de modifier l’émotion de son visage pour qu’elle soit bien plus neutre qu’il n’y avait que quelques instants. Avec sa chance, Timothy Blacksad serait aussi probablement l’une des personnes qui pourrait être amené à témoigner durant le procès. Cela voulait dire qu’elle ne pouvait pas être trop déplaisante avec lui, réalisa la brune tout en décidant qu’au final, elle s’en moquait. Peut-être le regretterait-elle lorsqu’elle se devrait d’annoncer cela au jeune homme, mais l’idée qu’il puisse interpréter cela comme une demande d’aide était suffisamment ennuyante pour que cela semble un maigre regret.    

« J’espère pour vous qu’il reste des muffins. »

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TIMOTHY & REGAN

   

« Oui. » Répondit-elle, la voix lasse et détachée. « Je suis inoubliable. Maintenant que cela est établi, j’ai bien plus important à faire que de m’attarder sur des détails évidents. »

Le nerf passant sur sa tempe gauche commençait légèrement à être apparent au travers du fond de teint clair de la brune, signe s’il en était un que la situation entière l’irritait plus que de raison. Elle n’était pas faite pour le relationnel – C’était pour cela qu’elle exerçait un travail grâce auquel elle avait une excuse pour détruire la vie de criminels dans une salle de procès. Il n’y avait pas besoin d’être sympathique ou compréhensive avec l’accusé – et supporter l’attitude joviale et énergique de Timothy Blacksad devait, de toute évidence, compter comme tel d’une manière ou d’une autre. Il était tellement sociable, refusant consciemment de comprendre qu’il énervait l’avocate, que cela rendait la visite à l’hôpital excessivement ardue – Parce qu’il le faisait de toute évidence exprès. Il devait apprécier de la voir frustrée ce qui, bien sûr, n’avait pour effet que d’énerver un peu plus le procureur comme dans un cercle vicieux qui n’en finirait jamais. Un sourire mauvais - mécanisme de défense qui montrait que, si cela avait été en son pouvoir, elle l’aurait probablement déjà giflé – se dessina sur ses traits alors qu’elle lança un regard sombre à l’infirmier et sa jeune patiente.

« Il parait qu’elle n’aime pas non plus qu’on la fasse attendre ou qu’on se moque d’elle, alors je suggérerais un certain changement d’attitude de la part d’autrui. » Le ton de voix différait sensiblement de celui qu’elle avait utilisé auparavant, bien plus proche de celui semblant ferme, intransigeant qu’elle utilisait lors de ses plaidoiries alors que, pour bonne mesure, elle claqua sa langue contre son palais en signe d’agacement, ses yeux n’accordant plus la moindre attention à la gamine, ou au fait que la plupart des gens ne s’adressaient ainsi à personne en présence d’enfants. Une raison de plus pour laquelle elle ne serait jamais mère, en plus de son égoïsme pathologique qui ne lui avait jusqu’à présent jamais fait faux bond, et du fait qu’elle était parfaitement incapable de s’extasier devant quoi que ce soit ayant un rapport de près ou de loin avec des bébés.

Et puis, bien sûr, le pire qu’il pouvait se passer arriva. Après l’avoir scrupuleusement humilier – Regan considérait cela comme une humiliation – en face d’une secrétaire qui semblait souhaiter plus que tout retourner à son travail et d’une enfant dont Regan se fichait éperdument, Timothy lui annonçait qu’elle allait devoir attendre, et ce comme si la brune n’était pas un poil plus importante que les personnes lambda venant voir des proches à l’hôpital. Regan grinça des dents, ne jetant même pas un regard glacé vers la salle d’attente qu’elle imaginait empestant les enfants, la sueur et le parfum d’ambiance, avec des chaises probablement inconfortables. Cela n’allait pas faire l’affaire. Cela dit, avant qu’elle ne puisse faire part de son avis sur le sujet – qui était déjà bien visible sur l’expression de son visage -, elle sentit une main tapoter son épaule et devînt rigide, tournant froidement la tête dans la direction lui étant indiquée tout en relevant un sourcil amplis de dédain.

« Je ne comptes pas rester plus longtemps que nécessaire. » Commenta-t-elle face aux propositions de l’infirmier qui étaient sans aucun doute faite pour aider et faciliter la tâche de l’avocate, mais qu’elle trouvait plus irritant qu’autre chose.

Et puis, Timothy partit comme il était venu, Regan restant figée durant une miliseconde avant de décréter « Je n’ai pas soif. » en lançant un bref regard à la secrétaire. Et puis, ses talons claquèrent contre le sol alors qu’elle s’éclipsait à la suite de l’infirmier qui se dirigeait vers la chambre de sa cliente, et ce malgré les protestations de la secrétaire. Peu importait que le docteur chargé de Kelly ne soit pas commode – Regan pouvait être bien pire, si elle avait la loi à ses côtés.

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