« Si tu connaissais aussi bien le temps que moi, tu ne parlerais pas de le perdre. Le temps est un être vivant. »
Le Chapelier « toqué », créature sortie de l’imagination d’une fillette aux longs cheveux blonds, insolente à son égard tout comme il le fut au siens. Un monde inventé dans lequel il vivait uniquement grâce aux rêves de cet enfant. Mais si cette dernière le trouvait complètement dérangé, ce n’était pas le cas des habitants de cette planète – tant bien qu’elle en fut une – qui le voyait comme un égal d’un rien de plus normal. A l’exception peut être de la famille royale, dont la Reine n’avait pour seule envie « Qu’on lui coupe la tête ». Quelle était déjà cette erreur commise qui avait mis en jeu sa vie ? Une histoire de tarte et de chanteur. Il avait chanté au dernier concert pour la Reine et cela ne lui avait pas plu. Mais de justesse, il avait fini par se fondre dans la masse et se faire oublier. Jusqu’à cette histoire de tarte bien sûr. Maudite Alice.



L’enfance d’Amaury reste assez floue dans le sens où lui-même ne s’en souvient plus réellement. Ca, comme bien d’autres choses d’ailleurs. Après tout, le temps passe à une vitesse vertigineuse et lui qui a toujours été quelqu’un à vivre l’instant présent, il n’a que quelques bribes de son passé dont il ne fait guère allusion de nos jours.
Le problème de son identité a toujours été une grande question pour lui, quand il y pense. Il a toujours été là sans être là, du moins, c’est ce qu’il a toujours pensé. Elevé par sa grand-mère, il n’a jamais posé la question de savoir ce qui était arrivé à ses parents. A ses yeux, il est né sans eux et n’ont jamais existé alors pourquoi chercher à savoir ce qui n’est plus ?

- Tu vois ça, mon garçon, c’est une théière qui m’a été offerte par mon aïeul au temps où j’avais ton âge ! Un peu de thé au pissenlit ?

La mamie, plus ça allait, plus elle perdait la tête. Si certaine personne la considérait comme folle, ce n’était pas le gars de son petit garçon qui la voyait avec admiration. Enfin quelqu’un qui sortait de la normalité ! Il s’en serait presque inquiété, puisqu’il trouvait les gens en général banaux. Plus les jours passaient, plus il voyait le monde défiler et les jours étaient toujours les même.. sauf en présence de Mère Grand, où le monde était radicalement différent. Elle avait une manière de penser complètement déplacée, était franche mais correcte, polie et respectait les valeurs, peut être trop d’ailleurs. Elle faisait de sa vie une fête dans un monde pessimiste où le futur était voué au néant.

« Le temps ? Qu’est ce que le temps ? » répétait-elle à toute personne qui osait prendre le temps comme excuse pour ne pas réaliser ce dont ils avaient envie. Il fallait dire qu’elle avait eu une vie bien remplie ! Elle avait fait son temps comme elle en avait eu envie et était parvenu à se créer un joli petit coin de vie très confortant. Son mari avait décédé il y avait une petite dizaine d’année, d’une maladie incurable et elle avait vécu seule jusqu’à ce qu’Amaury entre dans sa vie. A cet instant, elle s’était moquée d’elle-même, de la manière dont elle avait perdu « son temps » à pleurer son défunt mari plutôt que de chercher de la compagnie d’une personne joviale tel qu’il l’était. Cet enfant, on le lui avait confié. Un couple de Mercury avait décidé de s’en séparer, par manque de moyen et elle avait décidé de lui laisser le nom, en mémoire d’eux. Elle avait chamboulé sa vie à partir de ce moment et s’était bien moqué de la mort. Qu’avait-elle à perdre maintenant que cet étrange petit être était à ses côté. Du thé, encore du thé, pour fêter tous ces jours où elle pouvait être à ses côtés et lui avait appris ô combien la vie pouvait être précieuse du moment où on lui donnait une chance de la rendre merveilleuse et parfois un peu loufoque.

« Ne perds pas ton temps à te lamenter et à t’ennuyer, il y a tant de chose à faire. Prends tout du bon côté et au diable ceux qui ne sont pas content. L’important est que tu sois heureux. »

Mamie décéda lorsqu’Amaury atteignit l’âge de vingt ans mais lui avait laissé un précieux héritage. Le petit homme s’était en attendant construit une petite vie. Artiste dans l’âme, il avait décidé de se passionner tout d’abord de théâtre avant de se mettre aux vêtements. Il ne fit pas de longues études, mais cela l’importait peu : à quoi bon se remplir la tête de sornettes si ce n’est pas pour qu’elles servent ? Non, lui, ce qu’il préférait, c’était s’occuper les mains. Coiffé d’un présent que sa grand-mère lui avait laissé à la mort, il s’était mis doucement à créer pour pouvoir en faire finalement son métier. Et dieu sait qu’il fut rapidement demandé, puisque son imagination était telle qu’il en fit son succès. Habitant à présent dans cet étrange pays qu’était l’Amérique, il parvenait à faire de sa vie une fête afin de se lier avec le temps tel ce  personnage bizarre qui abritait son imagination l’heure venue. Mais qu’avait-il à s’en soucier si tout ce qui se passait était normal à ses yeux ?

Ceci dit, la même devinette lui hantait la tête à chaque fois qu'il y pensait. Comme si sa vie n'aura plus de sens tant qu'il n'aura pas trouvé la réponse à cette question : « Pourquoi est ce qu'un corbeau ressemble à un bureau? »

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