Je mis le point final au tableau avant de me retourner vers les élèves pressés de s'en aller. C'était pareil tous les vendredis, mais comment leur en vouloir ? Moi aussi j'étais pressé de rentrer chez moi pour allumer mon ordinateur et regarder les dernières conférences sur la physique quantique ou sur la scissiparité des unicellulaires ! Ahh quelle douce occupation ! L'esprit guilleret, je décidai de libérer mes élèves sans leur donner de devoir. Leur expression de joie et les "Merci Monsieur" remplissaient à chaque fois mon coeur de bonheur. C'était donc avec un grand sourire aux lèvres que je débarquais joyeusement dans la salle des professeurs en faisant un salut général...Qui ne servit strictement à rien car il n'y avait pas un seul professeur. Je m'approchais de ma théier - Oui car ici, il n'y a que moi qui boit du Thé ...- et me servi une grande tasse de thé avant de m'installer sur une des tables. Il n'y avait personne, je profitais alors du silence pour peaufiner mon cours sur la poussée d'Archimède. Un quart d'heure plus tard, la porte s'ouvrit et laissa apparaître un homme à la carrure imposante -D'un côté, par rapport à moi, tout le monde paraît imposant- que je reconnus de suite.

- Aiden ! Quel plaisir de te voir ! Ohh tu as des cernes, tu sais qu'il faut dormir la nuit, tu devrais ralentir tes fêtes ! Moins tu dors, moins ton organisme te suivras, surtout que tu es professeur de sport ! Huit heures de sommeil est requis pour une pêche d'enfer ! Enfin bref, comment vas-tu ?

Je lui fis un grand sourire. Oui je sais, je parlais trop, surtout pour ne rien dire... Mais c'était plus fort que moi. Puis de toute façon, je connaissais bien Aiden ! C'est fou... Nous somme deux êtres complètement différents mais c'est le collègue que j'apprécie le plus... Il y avait des choses comme cela qui ne s'expliquait pas !    

John & Aiden ❧ Come on, I'll teach you life.

©flawless

- Woh, woh, woh ! Calme toi, John ! ...Je suis très content de te voir aussi. Je n'ai dormi que trente minutes en tout cette nuit, laisse moi rassembler mes forces...

Comprenant la situation, je me tus - tant bien que mal - l'espace d'un instant pour qu'il puisse se reprendre. Trente minutes, mais quel fou ! Comment pouvait on faire subir cela à son corps ? Surtout qu'il n'était plus tout jeune le gaillard... Je fus coupé dans mes pensées par un poids autour de mon cou qui n'était d'autre que son bras. Je fléchis légèrement, redressant l'épaule afin d'avoir une position plus agréable. Aiden était loin d'être léger ... Enfin c'était surtout que j'étais loin d'être musclé, ayant plutôt une morphologie "fil de fer". Je jetai un rapide coup d’œil vers le canapé qui était étonnamment occupé ... Comment avais-je pu omettre la présence du professeur de philosophie ? Je fus une nouvelle fois extirpé de mes songes, mais cette fois-ci par la voix d'Aiden :

- Je vais bien et toi ? T'as entendu parler de ma soirée hier soir ? T'aurais dû venir, y'avait plein de filles !

Je soupirai longuement à sa phrase. J'aimais beaucoup Aiden, mais dès fois il était lourd. Je préférais largement lire un bon bouquin et faire mes huit heures de sommeil que de violenter mon organisme sous prétexte "qu'il y a pleins de filles". Je ne voyais pas en quoi une femme pouvait rendre une soirée plus gaie ? Au contraire, à part exception, elles n'avaient aucune conversation et s'inquiétaient plus pour la couleur du verni de leur chien que pour leur assurance maladie... Welcome in USA ! Je haussai les épaules, lui répondant :

- Oui je vais très bien, et qui n'a pas entendu parler de ta fête ? Tout le collège et le lycée était au courant ! Ah, et je voulais te remercier pour ton invitation, mais tu me connais, je n'aime pas ce genre de soirée. Cela dit, je trouve ton argument "fille" invalide. En quoi une Femme peut elle rendre une fête réussie ? Bon à part pour des personnes comme toi -attention je ne te juge pas- mais pour des personnes "civilisées" - Ne le prend pas mal - ce n'est pas le plus important. Les facteurs d'une fête réussie sont principalement : la musique et l'aisance en public de l'hôte. Après, le reste est secondaire, comme l'alcool ou les toasts beurrés ou non ! Ensuite vient du choix des invités ... Puis en dernier lieu vient l'argument " il y a plein de filles". A part si c'était une soirée échangiste, au quel cas, c'est tout l'inverse ! Cela dit...  

Je ne pus terminer ma phrase car je sentis les jambes du pauvre fêtard tremblées de plus en plus. Je décidais de l’emmener tant bien que mal jusqu'à la table, avant de tirer une chaise et de l’asseoir dessus. Je ne vous cacherais pas ma délivrance, massant discrètement mon cou endoloris. Je pris à mon tour une chaise, m'installant en face de lui :

- Tu as vraiment mauvaise mine ! J'espère que tu dormiras cette nuit !

John & Aiden ❧ Come on, I'll teach you life.

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- Je sais pas trop comment expliquer en fait... Ah si je sais ! Tu vois toi quand tu lis un livre, un bon libre de je ne sais quoi... Tu prend du plaisir, non ? T'as envie d'en lire plus... Ben moi c'est pareil quand je couche avec des filles. Tu me diras, la comparaison est plutôt mauvaise mais puisque toi t'aimes lire, je pense qu'elle est recevable. Pareil, à force de lire, tu lis plus vite, moi je prend de l'endurance. Et puis tu lis de gros livres, moi j'ai une grosse...Enfin je m'égare.

Je le regardai un moment, sans rien dire, assimilant tout ce que le professeur de sport venait de me dire. Était-il entrain de comparer la lecture au sexe ? C'était tout simplement ... Non, en fait c'était juste la façon de pensée d'Aiden. Mes yeux se posèrent sur l'extérieur, toujours un peu mal à l'aise avec ce sujet. Personne n'était au courant que je n'avais jamais eu ce genre d'expérience ... Et je tenais à le garder pour moi. Je n'avais pas honte, au contraire, mais maintenant tout était sujet à moquerie. Bien que souvent les remarques désobligeantes me passaient au-dessus, je ne voulais pas être le centre des commérages du lycée... Ma vie privée ne regardai que moi. Sans affronter son regard, je lui répondis, sur un ton légèrement cassant :

- Oui je lis vite, oui je lis des gros livres ... Et tout cela grâce à de l'entrainement ! Alors que la taille n'a rien à voir avec une quelconque stimulation cérébrale ... C'est dans tes gènes ! Et puis ... Je n'ai pas à me plaindre de ce côté aussi.

Je lui jetais un bref regard avant de me lever et de ranger la chaise à sa place. Je pris de nouveau mon sourire habituel pour ne pas laisser paraître mon malaise et lui asséna une tape dans le dos, profitant un peu de sa faiblesse pour me "venger" de m'avoir entraîner sur ce sujet délicat.

- D'ailleurs, tu devrais t'y mettre un peu à la lecture, ça ne te feras pas de mal. Trente minutes avant de te coucher et tu dormiras comme un bébé ! Je vais te faire un café ...

Je m'approchais de la machine à café, savant exactement ce qu'il voulait. Non pas que je le surveillais, mais j'avais un bon sens de l'observation. Tenez, par exemple, le professeur de philosophie prenait toujours un sucre pour faire bonne figure, mais une fois assis, il en mettait deux de plus discrètement... Signe d'un régime stricte que lui faisait endurer sa femme ... Trop de pression et PAF, il se sentait obligé de manigancer ses apports de sucre en douce. La professeur de littérature, elle, rajoutait du lait car pour elle, cela faisait "So British" ... Pff ridicule ! Je mis en route la machine, ouvrant le placard pour chercher une tasse. Une fois celle-ci dans la main, je me tournais vers mon ami exténué et décidai de la troquer contre un bol. Je remplis le récipient avant de le poser devant lui et de m'asseoir sur le coin de la table.

- Voilà pour toi ! Au faite, tu veux que je te ramène ? Tu ne me semble pas d'attaque à prendre le volant. Une grande majorité des accidents arrivent quand le conducteur s'endort et ...  

Je fis un gros effort pour me taire, sachant que les longs monologues le fatiguaient plus qu'autre chose. Je me contentais donc de sourire, balançant légèrement les jambes dans le vide, attendant la réponse d'Aiden...

John & Aiden ❧ Come on, I'll teach you life.

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- Ah bon, tu n'as pas à te plaindre ? Va y montre, on a plus rien à perdre.

Je le regardai avec un air blasé, sans même lui répondre. C'était le côté provocateur d'Aiden que j'aimais le moins, mais je faisais avec. C'était une plaisanterie bien évidemment mais j'avais toujours eu du mal avec ce genre d'humour. Je le regardai boire son café, restant silencieux, quand il prit la parole :

- Ben écoute, ouais. Pour une fois je vais pas faire mon vieux con et dire oui... Tu as ta voiture ou tu veux prendre la mienne ? J'vais sortir, faut que je fume.

Je fus d'abord surpris par sa réponse, haussant par réflexe un sourcil d'étonnement puis un sourire réapparut sur mes lèvres, rassuré qu'il ait accepté. J'étais persuadé qu'il allait refusé car Aiden n'était pas du genre à se faire assister par qui que ce soit. Je me m'y à réfléchir tout en rangeant mes cours et en enfilant mon manteau avant de lui rendre le verdict :

- Je vais prendre ta voiture, et vu que je n'habite pas très loin, je retournerai chercher la mienne après.

Je le laissai passer devant, car je savais que monsieur Grognon avait besoin de sa dose de nicotine. Je ne pouvais pas le blâmer là-dessus, en lui faisant subir un long et fastidieux monologue, puisque cela faisait qu'une année ou deux que j'avais arrêté la cigarette. Des problèmes respiratoires avaient eu raison de mon addiction à cette drogue, qui m'avait presque tué. Une fois dehors, je redressai le col de ma veste pour me protéger du froid extérieur... Cet hiver allait être rude ! Je me m'y en face d'Aiden, lui tendant la main
  
- Il me faudrait tes clefs s'il te plaît...

Je jetai un coup d’œil vers sa voiture, remarquant une très jolie sportive neuve. Notre professeur de sport avait du y mettre toute ses économies ! Une fois les clefs en ma possession, je fis le tour du bolide qui était certes magnifique mais un peu trop "m'as tu vu" à mon goût. Cela dit, elle allait parfaitement à Aiden ! Une fois mes réflexions intérieures terminées, je montai dans la voiture côté conducteur pour y faire mes marques, réajustant le siège à ma taille et réglant les rétroviseurs à ma vue. J'ouvris la portière, et me tournai sur le siège pour faire en sorte d'avoir les jambes à l'extérieur. Je fixai Aiden, attendant patiemment qu'il finisse sa cigarette.

- Tu as une très jolie voiture ! Elle est neuve non ? Elle a du te coûter une petite fortune ! Oh, pardon, excuse moi, c'était très indiscret de ma part ! Oh j'avais oublié... Tu habites à Swantown Avenue ! Hmmm ... Pas de soucis, je connais une amie qui travaille là-bas et qui me ramènera ! C'est le quartier Ouest c'est ça ?  

Je fis le trajet rapidement dans ma tête avant de me rendre compte que Aiden était là, dans la voiture. Je m'installai correctement, refermant la portière et attachant ma ceinture. Je mis le contact et me dis qu'il allait falloir être prudent, ce petit bijou avait l'air d'être nerveux !

John & Aiden ❧ Come on, I'll teach you life.

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- T'es toujours content toi hein. Ouais, c'est le quartier Ouest, et merci, j'ai bouffé que des pâtes de la salade pendant deux mois rien que pour l'avoir, alors si tu me l'abîme, t'es mort, John. J'déconne t'es pas mort, j'te casserai juste la gueule. Je plaisaaaaante !.

Dès fois, ce type me faisait peur ! Je savais bien qu'au fond de lui il plaisantait, mais bon, je ne faisais pas le poids contre ce mastodonte. Je lui fis un petit sourire peu rassuré avant de mettre le contact. Donc, sa voiture était toute sa vie, objectif : la restituer entière et sans égratignure ! Le chemin était court, j'avais donc quatre vingt pour-cent de chance d'y arriver ... les vingt pour-cent qui restaient ne dépendait que des éléments extérieurs, des autres automobilistes en gros ou alors un AVC suprise. Je pris une grande inspiration avant de me lancer dans le grand bain et pilotai cet engin nerveux avec douceur. Je m'y quelques minutes avant de prendre en main le véhicule et me sentis beaucoup plus à l'aise avec ce dernier. Je jetai un regard vers Aiden qui commençait à somnoler et décidai, avec un peu de mal, à ne pas parler pour le laisser se reposer. Commença alors un grand et long monologue intérieur dont je vous passerai les détails pour ne pas vous embêter non plus. C'était en quelques sortes des questions du genre : "Que vais-je manger ce soir ?", " Si les arbres étaient dotés de parole, que diraient-il donc ?", "Pourquoi des personnes avaient-elles peur des canards ?", "Que ferions-nous si des fourmis géantes colonisaient la Terre ?" ... Enfin bref, pleins de questions banales que tout le monde se posait ... enfin je crois !

Mais le drame suprême arriva ! Comment ? deux minutes, je vais vous l'expliquer ! Alors que j'étais arrêté à un stop et que je faisais mon habituel "gauche-droite-gauche", une voiture derrière nous ne s'arrêta pas comme convenue et nous rentra allègrement dedans. Même si le choc ne fut pas brutal, mon sang se glaça et mes yeux s'écarquillèrent ... J'allais mourir aujourd'hui, par la main de mon ami ! D'ailleurs, devrais-je toujours dire Ami ? C'était assez bizarre de qualifier ainsi quelqu'un qui allait vous battre à mort. Même si je n'étais pas en tort, je connaissais le légendaire sang chaud d'Aiden et refusai toujours de tourner la tête vers lui. Une main toquant à la vitre me fit sursauter et mon regard se posa sur celle-ci. Elle appartenait à une femme, vu la manucure récente, et je soufflai légèrement, rassuré. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'était une femme ! Aiden aimait les femmes - un peu trop à mon goût mais là n'était pas le sujet - et j'allais peut-être échapper à la mort douloureuse qui m'attendait !

Je m'empressai de baisser la vitre et là, une magnifique brune apparut dans mon champ de vision. Oui, j'étais sain et sauf ! Le sourire revint sur mon visage devenu blanc à cause du stress et attendit que la responsable du crime parle :

- Bonjour ! Je suis vraiment désolée pour votre voiture, j'étais entrain de chercher un truc dans mon sac et je ne me suis pas arrêtée à temps ... Comment pouvons-nous nous arranger ?

Je pointai mes deux index sur Aiden et pris la parole : 

- C'est sa voiture, je vous laisse vous débrouiller avec lui !

Quand elle posa son regard sur le professeur de sport, je vis ses yeux s'illuminer ... Les miens roulèrent dans leur orbite et je m'enfonçai dans le siège, les bras croisés et silencieux, pour les laisser discuter entre eux ....